Quelles sont les caractéristiques d’un ukulélé ?

vendredi 21 janvier 2011
par  Thierry

Le ukulélé, c’est un peu comme une femme (ou un homme), dès le premier instant on sait que c’est lui pour la vie, ou presque…

Cet article essaye de faire la liste des caractéristiques d’un ukulélé afin que vous preniez conscience du processus d’évaluation que vous déroulez sans vous en rendre compte lorsque vous essayez un nouvel instrument. Vous pourrez ainsi vous poser les bonnes questions sur votre futur instrument avant de vous lancer à sa recherche.

Les termes employés ne sont pas forcément issus du vocabulaire classique de lutherie, ce qui permettra aux néophytes de mieux comprendre les concepts sous-jacents.

Le prix

L’achat d’un ukulélé est toujours lié à un budget. Le prix est donc un élément important dans l’évaluation, même si on constate que lorsqu’il y a coup de foudre pour un instrument, on arrive souvent à trouver de nouveaux budgets…

Le diapason

Certains diront la taille du ukulélé, mais le diapason correspond à la longueur de la partie vibrante des cordes.

Les ukes soprano sont les plus petits [1]. Le son est "roots", "boxy" c’est à dire moins rond que sur les autres modèles. Grâce à leur taille, ils sont très faciles à transporter.

Les ukes concert sont un peu plus long, ont un son plus rond et les notes résonnent plus longtemps. Ca me semble être un bon compromis. On récupère quelques cases de plus sur le manche.

Les ukes ténor sont encore un peu plus long, ont un son encore plus rond et les notes qui résonnent encore plus longtemps. Chaque case est plus grande que sur un soprano. Attention à la tension des cordes qui du fait du diapason plus grand sont nettement plus tendues que sur un modèle soprano ou un concert.

Les ukes baryton ressemblent à une petite guitare. Si ils ont 4 cordes comme les ukulélés, celles si sont accordées comme les 4 cordes aiguës d’une guitare (D G B E).

L’aspect extérieur

L’aspect extérieur est la première caractéristique de l’instrument que vous évaluez, et ce avant même de l’avoir pris en main ! Il y a bien sûr la forme de l’instrument (ananas, huit normal, ou huit ventru ou allongé, ou des formes plus originales), la forme de la tête entre aussi en ligne de compte ainsi que la forme du bas de la touche, celle du chevalet, la simplicité de l’instrument ou à l’inverse les inclusions multiples, des vernis mat ou brillant. La qualité des finitions est aussi évaluée : un vernis mal passé ou une coulure de colle par exemple.

Les « a priori »

Les « a priori » sont plus importants qu’on ne le pense car ils modifient de façon inconsciente notre perception de la qualité de l’instrument. Dit autrement : du fait d’un a priori, j’ai le sentiment que tel instrument doit être meilleur que tel autre et bien mes oreilles auront tendance à me confirmer mon a priori.

Quelques exemple d’a priori : dans l’inconscient collectif, un instrument d’une marque réputée doit sonner mieux qu’un instrument inconnu, un instrument de luthier est meilleur qu’un instrument industriel et doit obligatoirement bien sonner, un instrument vintage est meilleur qu’un instrument récent, un instrument fabriqué à Hawaii est meilleur qu’un instrument d’importation, un instrument en koa (genre d’acacia hawaiien) est meilleur qu’un instrument en acajou. Tout cela peut être vrai mais pas forcément !

Entrent aussi en jeu l’impression de qualité (qui peut venir de l’aspect extérieur), et de solidité (qui viendra du poids)…

Pour ne pas être influencé par les « a priori » il faudrait pouvoir essayer les instruments dans le noir !

L’essence de bois utilisée

L’essence de bois utilisée a un impact sur le look, sur le son (projection et couleur) ? Si ce sujet vous intéresse, vous pouvez consulter l’article http://www.benoit-de-bretagne.com/h... est intéressant.

Le poids

Le poids est perceptible dès que vous prenez l’instrument en main, avant même d’avoir plaqué votre premier accord.

"Lourd" ou "léger" chacun ses goûts. Personnellement je préfère un instrument léger qui aura probablement une meilleure projection [2], et qui glissera probablement moins en jeu debout. D’autres préfèrent des instruments plus lourds pour leur impression de solidité et la sensation d’avoir quelque chose entre les mains.

Au-delà du poids, c’est la répartition des masses entre la tête, et le corps de l’instrument qui est importante. Trop de poids sur la tête (avec de grosses mécaniques en métal ou une énorme tête par exemple) et c’est le bras gauche qui fatigue. Pas assez et on a l’impression d’avoir un manche fuyant qui a envie de remonter.

Le corps et le cerveau humains sont capables de s’habituer au poids et à la répartition des masses, mais lorsque l’on change d’instrument il faut prévoir un petit temps d’adaptation.

Le dos de la caisse

Le "profil" de la caisse va influer sur la sensation de confort. Certains préfèreront un dos plat, d’autre un dos plus arrondis... C’est le petit rien imperceptible qui va contribuer au fait que le ukulélé va vous plaire ou pas...

Le manche

Les manches sont un peu comme les barbapapa : il y a les épais, les fins, les sections carrées, en V, en U ou tout plats…

L’action

L’action est la hauteur des cordes sur la touche (disons le manche pour faire simple). Elle est généralement mesurée à la 12ieme frette. Une action trop haute peut entrainer des problèmes de justesse. Normal en appuyant sur la corde pour la faire descendre jusqu’à la frette, vous modifiez légèrement la tension de la corde et donc la note produite !

Une action trop haute à cause de sillet de tête est pénible car elle oblige à appuyer plus fort avec les doigts de la main gauche pour former les accords. En plus des problèmes de justesse, cela entraine une fatigue de la main gauche. Modifier la hauteur du sillet de tête est difficile pour un débutant.

Une action trop haute à cause du chevalet entraine des problèmes de justesse. Par contre le réglage du sillet du chevalet est plus facile à faire.

Une action trop basse, et une corde peut toucher une frette en vibrant. On dit que la corde frise. La solution est de remonter la corde (le sillet) en mettant un petit papier dessous ou de voir si il est possible de baisser la frette récalcitrante.

La projection

La projection est la puissance sonore de l’instrument. Au plus un instrument a une projection importante au plus il joue fort (au plus il projette du son vers le public).

Rappelons que le son que perçoit le public est différent de celui qu’entend l’instrumentiste. Il est généralement plus fort (le but d’un instrument étant généralement de jouer en public). La couleur du son peut être aussi différente.

Pour avoir une idée du son que projette votre instrument, vous pouvez jouer à quelques dizaines de centimètres d’un mur.

Avoir un instrument qui projette est l’assurance d’être entendu. Ce peut être aussi déstabilisant pour un débutant qui préfèrerait que ces fausses notes ne soient pas audibles.

On peut améliorer la projection en changeant les cordes, en mettant des sillets en bois dur ou en ivoire de synthèse.

La couleur du son

On parle de son « brillant » quand il fait un peu « crin-crin » / aigu. Pour faire simple c’est pour moi le son typique des ukulélés soprano.

On parle de son « rond » quand il y a plus de medium.

Après chacun à son propre vocabulaire. Par exemple je parle de son « cristallin » quand il a de beaux aigus tout en étant harmonieux. C’est le cas pour moi des Koaloha concert et ténor.

Un peu comme pour le vin, je trouve que la couleur du son est plus complexe que cela. Je perçois une couleur de son à l’attaque (le son qui est immédiatement perceptible) et une couleur de son en fin (lorsque la note se termine et que la note suivante arrive).

Le changement de corde permet d’influer sur la couleur de son.

La justesse

La justesse ou l’intention, est la qualité de l’instrument à produire des notes justes sur l’ensemble du manche. Les problèmes de justesse peuvent venir : de frettes placées n’importe comment sur le manche (rare), d’un manche vrillé (rare), d’une action trop haute (classique), d’un chevalet posé n’importe comment (possible). En pratique la distance entre le sillet de tête la 12ieme case doit être égale à la distance entre la 12ieme case et le chevalet.

Pour vérifier la justesse d’un instrument, à moins d’avoir l’oreille absolue, on utilise un accordeur chromatique.

On peut contrôler l’ensemble des notes du manche, mais en général on contrôle la justesse de l’instrument à la 12ieme case :

L’instrument est accordé en GCEA (G étant la corde la plus proche du plafond quand vous tenez votre instrument normalement, A étant la corde la plus proche de vos pieds). On doit aussi avoir GCEA à la 12ieme case (mais un octave plus haut). On utilise un accordeur pour mesurer l’écart entre la note attendue et la note produite par l’instrument. Dans l’idéal il faudrait qu’il n’y ait pas d’écart ou un écart très faible. Pour un instrument pour débuter à prix serré, 10-15% d’écart c’est supportable, 25% c’est trop.

Bon vous venez de contrôler la justesse à la 12ieme case. C’est bien. Tant que vous y êtes contrôlez la justesse à la 4ieme case (vous n’irez pas beaucoup plus loin si vous êtes débutants). Vous devez avoir B E G# C# à moins de 10% d’erreur.

Attention à bien placer vos doigts entre les frettes car on peut avoir l’impression que l’instrument est faux alors que c’est peut-être simplement vos doigts qui sont mal placés...

Les mécaniques

Les mécaniques à friction sont les mécaniques traditionnelles de ukulélés. Elles sont discrètes car elles ne sont pas visibles lorsque l’on regarde l’instrument de face. C’est l’idéal pour changer rapidement les cordes de l’instrument, quelques tours et on peut enlever la corde. Elles ont comme inconvénient d’être un peu plus difficiles à régler pour un débutant (comme en tournant la mécanique on agit avec un rapport 1:1 sur la tension de la corde, une légère action sur la mécanique modifiera beaucoup la tension et donc la note produite).

Les mécanique de type guitare, grâce à leur vis sans fin, sont plus faciles à régler pour le débutant, à condition que ce soit des mécaniques de qualité. Par contre il faudrait beaucoup tourner la mécanique avant de pourvoir enlever une corde. Elles dépassent de la tête, ce que certains n’aiment pas.

Les pegheds allient les avantages des deux mondes au détriment malheureusement du prix.

En conclusion

Vous avez maintenant une idée des caractéristiques des ukulélés, à vous d’identifier celles qui vous semblent importantes puis de faire des arbitrages en fonction de vos moyens.

Mais attention, le ukulélé, c’est un peu comme une femme (ou un homme) : étant petit on se fait une certaine idée de sa princesse ou de son prince charmant et puis au final on craque sur quelqu’un de très différent des critères initiaux ;-)

Sur ce, je vous souhaite une bonne UAS.


[1] Exception faite des sopranino qui ne sont pas produits par toutes les marques

[2] Encore que cela dépende de l’essence de bois et de la construction du ukulélé.


Une critique, une suggestion, des encouragements : infos a-commercial vsalele point org